La Montpelliéraine Perla Danan, présidente du Crif en région, mobilisée plus que jamais pour défendre "le lien inter-religieux"

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  • Perla Danan, défenseure du lien interreligieux : "Cette harmonie a existé, elle doit perdurer, il faut tout faire pour."
    Perla Danan, défenseure du lien interreligieux : "Cette harmonie a existé, elle doit perdurer, il faut tout faire pour." Midi Libre - GIACOMO ITALIANO
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Présidente du Conseil représentatif des institutions juives de France pour le Languedoc-Roussillon, Perla Danan, depuis Montpellier, redoute plus que tout de voir importé en France le conflit au Proche-Orient. Dans un climat tendu, elle plaide pour le dialogue et la concorde entre les cultes.

Il n’est pas forcément aisé de déceler les vérités d’une femme, d’un homme, entre les plis d’une histoire contemporaine déchirée et déchirante. Et en plein conflit dans un Proche-Orient embrasé, comment porter une parole apaisée, quand on est soi-même la figure régionale emblématique de la communauté juive ?

Ainsi réfléchissait-on en écoutant Perla Danan, présidente du Conseil représentatif des institutions juives de France pour le Languedoc-Roussillon, en un 30 avril très pluvieux. On l’entendait d’abord raconter… un pays arabe, celui de sa naissance, (à Fès, en 1949), celui de sa famille, "depuis des générations". Ce Maroc qu’elle a quitté à 18 ans pour suivre des études de pharmacie, à Toulouse, puis à Montpellier. "Une ville que j’ai immédiatement trouvée incroyable !" s’emballe-t-elle encore aujourd’hui.

Le Maroc jamais oublié

Où elle a fait carrière (chez Sanofi, et en tant que maître de conférences, à la fac de pharmacie), où elle mène sa vie. Mariée, aujourd’hui divorcée, un enfant, "deux petites-filles adorables !", polyglotte ("français, arabe, anglais, espagnol, un peu l’hébreu, l’hébreu alimentaire !"), elle n’a jamais oublié le Maroc, où elle retourne régulièrement, où elle a certainement forgé nombre de convictions qui guident toujours son action au quotidien.

"Ma famille, juive, était très impliquée dans sa communauté au Maroc, sans que ça ne pose de problèmes. On se connaissait entre communautés, chacun respectait les rites, les traditions, les cultures de l’autre. Un veux Marocain pouvait tirer l’oreille d’un petit garçon juif, le samedi, en lui disant : “Mais tu n’es pas à la synagogue, toi, aujourd’hui ?” C’est merveilleux ! C’est pour cela que je me suis tant impliquée sur le lien inter-religieux, sur ce respect des différences qui nous enrichit même si chacun suit son chemin…"

"Une grande maîtrise de ses émotions"

Elle soupire : "C’est hyper-important, c’est pour cela que l’on s’invite entre cultes pour nos grandes fêtes. Cette harmonie a existé, elle doit perdurer, il faut tout faire pour".

À sa façon, donc, elle s’y emploie. Depuis plusieurs décennies. En s’impliquant d’abord, "et jusqu’au cou, très rapidement", dans le monde associatif, à l’initiative d’Hubert Allouche, son prédécesseur au Crif : "Il m’a demandé si je pouvais aider, m’a initié au monde associatif. J’ai vu la portée de cette action de terrain, quand on s’engage dans quelque chose qui fait sens…"

"C’est une volontaire, très professionnelle, qui ne lâche jamais rien, avec une grande maîtrise de ses émotions" nous a confié une proche amie ("Depuis 1973, nous étions étudiantes, c’était hier"), Martine Marragou, présidente de la communauté Emmaüs de Montpellier : "Et Perla reste très fidèle, en amitié comme au niveau de ses engagements."

Au Crif, à Radio Aviva

Armée de ces qualités, Perla Danan a tracé sa route, et succédé, voici dix ans, à Hubert Allouche, après son décès, à la présidence du Crif région. Elle le remplacera également à la tête de Radio Aviva, installée à Montpellier depuis 40 ans, aussi présente, désormais, à Nîmes et Perpignan. "Elle est très exigeante, avec elle, avec les autres. Il faut que ça aille vite et bien. Elle donne beaucoup" complète Liliane Dray, vice-présidente de cette même radio.

Son énergie, elle la déploiera également au conseil municipal de Montpellier, lors de deux mandats, avec Hélène Mandroux, puis Philippe Saurel. "C’est une femme qui a toujours œuvré pour le dialogue inter-religieux s’est souvenu ce dernier. Nous nous sommes rencontrés sur ce terrain, pour travailler à ce que les hommes construisent des ponts plutôt que creuser des fossés".

Un avant et un après 7 octobre

"Perla aime profondément l’interculturalité, qu’elle voit comme une richesse inestimable dans une société" a renchéri Clare Hart, vice-presidente de la métropole de Montpellier, qui a mené nombre d’actions à ses côtés.

Mais dans la vie de Perla Danan, il y aura aussi un avant et un après 7 octobre. Depuis, elle s’interroge, elle l‘avoue : "A-t-on échoué à faire passer ce message de tolérance, d ‘acceptation des différences ? Je me le demande en voyant ce déchaînement d’antisémitisme."

"Je me dis qu’il faut continuer…"

Elle se reprend vite : "Mais quand je reçois des mots de musulmans, pour les fêtes de Pâques, qu’ils ont écrits après être allés chercher la bonne formule en hébreu, c’est si touchant… Et là, je me dis qu’il faut continuer…"

Le Yom HaShoah, le dîner du Crif.

Deux rendez-vous majeurs de la communauté juive attendent Perla Danan ce dimanche 5 mai, et demain lundi 6 mai.

Ce dimanche donc, débutera le Yom HaShoah, la journée du souvenir de la Shoah, où un hommage est rendu aux six millions de juifs morts pendant la Seconde Guerre mondiale. À cette occasion, est notamment organisée une lecture, publique, ininterrompue de 24 heures, de jour comme de nuit, des noms des victimes de la Shoah.

À Montpellier, la lecture débutera à 17 h dans le parc de la nouvelle mairie, la cérémonie officielle à partir de 18 h 30. "C’est important, pour comprendre et prévenir" assure Perla Danan.

Le traditionnel dîner du Crif se déroulera ce lundi 6 mai, à Paris, et Perla Danan sera présente : "C’est un rendez-vous républicain, où l’ensemble de la société civile est représenté, ainsi que les corps constitués, les cultes, le gouvernement. C’est un moment important d’échanges. Et deux discours sont prononcés. Celui du président du Crif, et celui du président de la République."

Ou du Premier ministre le cas échéant, comme ce sera le cas cette année, puisqu’Emmanuel Macron sera représenté par Gabriel Attal.

Elle ne cache pourtant pas son inquiétude, face "au glissement insidieux des mots, quand on compare un président d’université à Eichmann…".

Ou devant des slogans entendus dans les universités lors de manifestations de soutiens aux Palestiniens : "Où va-t-on ? Des étudiants juifs ont peur d’aller en cours… La liberté d’expression, ce n’est pas l’appel à la haine. Ça impacte la communauté juive dans son ensemble. Quand on se réunit et que les forces de l’ordre, que nous remercions vivement, ne sont pas là, nous sommes inquiets désormais. Est-ce normal ?".

"Deux pays dans la paix et la liberté"

Et de rappeler que le Crif maintient la même position depuis dix ans : "Deux pays dans la paix et la liberté. Et nous sommes solidaires avec le peuple israélien, pas avec le gouvernement."

Visée nommément lors de manifestations propalestiniennes à Montpellier, son nom scandé ou sifflé dans certains cortèges, elle a pu mesurer aussi l’impact des réseaux sociaux, quand ces images et sons ont été mis en ligne. Elle reconnaît se sentir "menacée", elle sait être "protégée".

"Une forme de dévotion donnée à sa mission"

Le préfet de l’Hérault, François-Xavier Lauch, confirme : "Je la connais depuis six mois seulement. Je suis arrivée le 9 octobre dans l’Hérault, c’est donc une des premières personnes que j’ai rencontrées. Et quand elle a été attaquée par la harangue publique, j’ai mis en place des mesures de protection, je lui ai apporté mon soutien. C’est une femme très attachante, par la forme de dévotion qu’elle donne à sa mission. C’est une républicaine, avec beaucoup de courage. Il en faut, en ce moment, à Montpellier, pour jouer le dialogue interreligieux. Elle en est le ferment. Elle aurait pu renoncer. Elle ne l’a pas fait."

"Il reste des combats à mener"

Et si elle s’autorise "une fois par an, une parenthèse de trois, quatre jours, rien que nous deux" comme le glisse Martine Marragou, Perla Danan ne compte pas battre en retraite. "Il reste des combats à mener, malheureusement", soupire-t-elle.

Et de souffler, grave, avant de nous quitter : "Il ne faut pas se terrer, on ne peut pas vivre comme des citoyens cachés, même si à Montpellier nous sommes très soutenus. Mais auparavant, c’est vrai, lors de commémorations, on disait toujours : “Plus jamais ça”. Aujourd’hui, j’ajouterais un point d‘interrogation."

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