Il y a plus de centenaires en France : les conseils du gériatre Claude Jeandel pour "une meilleure espérance de vie en bonne santé"

Abonnés
  • Respecter une alimentation équilibrée, maintenir un lien social... Des ingrédients, parmi d'autres, pour vieillir en bonne santé.
    Respecter une alimentation équilibrée, maintenir un lien social... Des ingrédients, parmi d'autres, pour vieillir en bonne santé. Illustration Sylvie Cambon - SYLVIE CAMBON
Publié le

Une récente étude de l’Insee démontre que nous comptons aujourd’hui 30 fois plus de centenaires en France qu’il y a 50 ans. Explications… et conseils de l’éminent gériatre montpelliérain et ancien président du Conseil national professionnel de gériatrie, le professeur Claude Jeandel.

Le professeur Claude Jeandel.
Le professeur Claude Jeandel.

Une étude de l’Insee démontre qu’il y a 30 fois plus de centenaires qu’il y a 50 ans, particulièrement en France. Comment expliquer ce phénomène ?

Il y a une très forte corrélation entre l’espérance de vie à la naissance et la probabilité d’atteindre 100 ans. On a cette caractéristique, en France, d’avoir la plus grande espérance de vie d’Europe chez la femme, un peu plus de 85 ans, juste devant l’Espagne et cela se retrouve dans les indicateurs sur le nombre de centenaires. C’est un effet de masse, mais aussi démographique que l’étude de l'Insee démontre d’ailleurs parfaitement en comparant le nombre de personnes âgées de 60 ans en 1980 pour 1000 habitants et, 40 ans plus tard, le même indicateur pour les personnes âgées de 100 ans. Dans les deux cas, la France apparaît au premier rang. L’étude met aussi en avant d’autres critères, comme le niveau socioculturel qui peut jouer un rôle important : on a plus de probabilité d’être centenaire si on possède un diplôme.

L’efficacité de notre système de santé peut-elle aussi être une explication ?

Grâce au travail de prévention, on a longtemps occupé un très bon rang européen en termes d’espérance de vie en santé, c’est-à-dire sans maladie. Cela a pu permettre une amélioration globale de la santé en France, donc jouer pour les personnes centenaires aujourd’hui, c’est certain. Mais ce classement a tendance à évoluer malheureusement dans l’autre sens. Cela sous-entend qu’il faut être prudent sur les projections à 10, 20 ou 40 ans. L’étude présente d’ailleurs différents scénarios nuancés notamment par les effets de la prévention.

Il y a 30 fois plus de centenaires aujourd'hui en France. Tous les chiffres...
Il y a 30 fois plus de centenaires aujourd'hui en France. Tous les chiffres... Infographie Sophie Wauquier

Les femmes restent largement majoritaires au-delà de 100 ans. Pourquoi ?

Il y a toujours eu, sur l’espérance de vie, ce différentiel entre les hommes et les femmes. Logiquement, la probabilité d’atteindre 100 ans est donc plus élevée chez les femmes. La différence est même très significative, avec seulement 14 % d’hommes parmi les centenaires. Il n’y a jamais eu d’explication patente pour l’expliquer, seulement des hypothèses qui font intervenir une part de génétique. Il y a aussi le fameux débat sur le rôle protecteur des œstrogènes. Cela dit, la tendance va vers une diminution de ce différentiel, mais on ne peut pas encore le mesurer chez les centenaires.

Bien vieillir, ce peut donc être inscrit dans les gènes ?

En effet. Mais il faut aussi prendre en compte l’effet de l’environnement. On parle d’épigénétique, c’est-à-dire l’interaction entre l’environnement et les gênes, qui explique par exemple que certaines personnes ont plus de probabilité de développer un cancer que d’autres ou même une exposition aux facteurs de risques. Celles et ceux qui ne possèdent pas les gênes de la longévité doivent donc se protéger de tous les facteurs de risque potentiels, plus que ceux qui ont cette protection génétique.

On vit plus âgé… mais en bonne santé ?

Aujourd’hui, ce qui intéresse les gériatres, c’est l’espérance de vie en bonne santé, sans perte d’autonomie. Actuellement, celle-ci est évidemment inférieure à l’espérance de vie globale mais jusqu’à il y a quelques années, elle gagnait en années plus vite que l’espérance de vie globale. C’est un peu moins le cas aujourd’hui. Certes, il y a eu la crise Covid qui a un impact fort, mais ce n’est pas la seule explication. Ce peut être lié au fait que les comportements humains évoluent. Ce qu’on a gagné jusque-là, par exemple avec la diminution de la consommation de tabac, on peut le reperdre à cause du surpoids voire l’obésité dès l’enfance ou l’adolescence qui accentue le risque vasculaire.

Comment se donner alors les chances de bien vieillir ?

Il faut d’abord agir sur les facteurs de risque, notamment vasculaires, c’est-à-dire contrôler régulièrement l’hypertension artérielle, le diabète, l’hypercholestérolémie. À partir de 50-60 ans, vérifier qu’on n’a pas d’anomalie du rythme cardiaque, car aujourd’hui on a des traitements qui évitent de faire la principale complication qui est l’accident vasculaire cérébral.

Il y a ensuite tous les facteurs de protection, c’est-à-dire l’hygiène de vie en commençant par une alimentation équilibrée qui respecte simplement les apports conseillés en calories. Il faut ensuite avoir une activité physique adaptée, le seul moyen d’agir sur plusieurs cibles en même temps : ça améliore la masse et la force musculaire, ça maintient l’appareil cardiorespiratoire, mais aussi l’équilibre donc ça permet d’éviter les chutes, ça évite la dépression. C’est essentiel, mieux que tout médicament, et accessible à tous.

Faut-il consulter régulièrement, et à partir de quel âge ?

Les bilans de prévention à 25, 45, 65 et 75 ans sont désormais lancés. Ça a vocation à rechercher en particulier tous ces facteurs de risque accessibles à des moyens thérapeutiques. C’est vraiment la solution. Je prends un exemple sur la maladie d’Alzheimer qui fait peur à tout le monde, la plus fréquente après 65 ans. Elle n’a aujourd’hui pas de traitement mais des études montrent depuis très longtemps que si on agit sur les facteurs de risque dès qu’ils apparaissent, hypertension et diabète, on retarde l’apparition de la maladie. Je dirais même que dès 65 ans, et plus encore à 75 ans, on doit poser la question d’une éventuelle dépendance.

On annonce 76 000 centenaires en France d’ici 2040… Et plus globalement une population plus âgée. La société est-elle prête à faire face à ce défi ?

Je poserai la question sans fixer d’âge. On va assister à un doublement du nombre de personnes âgées de plus de 75 ans, et de fait aussi d’un doublement de personnes dépendantes. Est-ce que la société est prête à accueillir deux fois plus de personnes âgées dépendantes ? Clairement, ça va être extrêmement difficile, au regard de la situation de nos établissements actuellement. Nous ne sommes pas prêts en nombre de place et au-delà en nombre de professionnels. Cela va être un enjeu majeur.

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement
à cet article à partir de
2,49€/mois
Voir les commentaires
L'immobilier à Montpellier

222600 €

VENTE A MONTPELLIER, Au coeur du quartier Croix d'Argent, La quiétude à 15 [...]

619000 €

MTP AIGUELONGUE. Lot de 3 appartements vendus loués de type 2 pièces avec p[...]

357000 €

Programme neuf à MONTPELLIER Quartier facultés Hopitaux, APPARTEMENT NEUF D[...]

Toutes les annonces immobilières de Montpellier
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

Les commentaires (11)
Lorely Il y a 12 jours Le 07/05/2024 à 07:03

Centenaires ok mais dans quel état? Suis aide soignante en geriatrie et la plupart présente soit des troubles cognitifs soit des grandes dépendances physiques. J'ai l impression que contrairement à l époque, peu de personnes très âgées vivent chez elles en toute autonomie

Lily Il y a 12 jours Le 06/05/2024 à 11:35

pour y arriver, certes, la bonne santé, mais surtout ne pas se faire assassiner avant d'atteindre cet âge ! 2è édition, merci de ne pas censurer.

alancap34 Il y a 13 jours Le 06/05/2024 à 11:25

Et combien passent leurs journées en maisons de retraite ( EHPAD ) ou en hôpital long séjour ( mouroir ) on peut être fiers de ça ???