Abattage des chiens errants dans le Sud-Aveyron : "Si c’était à refaire, je le referais", le préfet assume son arrêté

  • Le préfet de l'Aveyron revient sur l'arrêté qui a créé la polémique.
    Le préfet de l'Aveyron revient sur l'arrêté qui a créé la polémique. Midi libre - Maxime Cohen
Publié le , mis à jour
Propos recueillis par Mathieu Roualdès

Au plus fort de la polémique, il n’avait pas souhaité s’exprimer, s’en tenant à des communiqués de presse officiels. Hier, à l’occasion d’une conférence de presse, le préfet de l’Aveyron, Charles Giusti, est revenu de lui-même sur la polémique liée à l’arrêté dit d’abattage des chiens errants dans le Sud-Aveyron. Il annonce aussi avoir déposé une plainte à la suite de plusieurs menaces de mort, injures ou encore diffamation sur les réseaux sociaux. Entretien.

Mardi 7 mai, après plusieurs semaines de polémiques, le tribunal administratif de Toulouse a suspendu l’arrêté autorisant l’abattage de chiens errants dans le Sud-Aveyron. Comment avez-vous vécu cette décision ?

Sur cette polémique, j’ai plusieurs mises au point à réaliser. Lorsqu’on a pris cet arrêté, nous traversions une situation exceptionnelle avec un bilan dramatique pour plusieurs éleveurs : dans la zone concernée par l’arrêté, soit cinq communes du Sud-Aveyron, on a recensé depuis le début de l’année 10 attaques et 53 ovins touchés. Certes, il ne faut pas se cacher : le suspect principal, si j’ose dire, est le loup. Mais nos équipes sur place ont aussi observé un chien errant, dès le mois de mars. Sa morphologie était très proche du loup (de race Sarloos, NDLR) et on ne pouvait écarter sa responsabilité dans toutes ces attaques. L’arrêté pris répondait donc à l’intérêt général, ma boussole principale en tant que préfet. Ça, c’est sur le fond. Le tribunal administratif ne s’est toujours pas prononcé sur cela, il a suspendu l’arrêté sur la forme.

Sur le fond, vous ne regrettez donc rien malgré les nombreuses critiques soulevées ?

Nous avons été victimes d’attaques partielles, partiales, hors contexte et hors sol. Beaucoup de personnes ont oublié de dire que cet arrêté était extrêmement encadré : dans le temps, avec une durée d’un mois, dans l’espace, avec seulement cinq communes du Larzac concernées, dans le prélèvement aussi. Seuls les agents de l’OFB et les lieutenants de louveterie étaient autorisés à tirer et ce dans le cas où une prédation était envisageable ! C’est d’ailleurs pour toutes ces raisons qu’aucun chien n’a été tué sur cette période.

Hélas, tous ces éléments-là, je ne les ai pas vus repris dans toutes les polémiques : les associations ont simplement évoqué un abattage de chiens errants, sans plus de détails… Donc bien évidemment que ça suscite l’émotion lorsqu’on lit que le préfet de l’Aveyron veut abattre tous les chiens. Mais, c’est totalement faux.

Je note aussi que toutes ces personnes n’ont pas véritablement pris en compte la souffrance des brebis, égorgées pour la plupart. Je n’ose pas vous montrer les clichés mais je les tiens à disposition. Ce bien-être animal n’est, semble-t-il, pas aussi important que celui des chiens pour certains.

Pourquoi dire que les critiques étaient "hors sol" ?

Elles émanent d’associations qui ont une méconnaissance du terrain, avec des sièges souvent éloignés des zones dans lesquelles les attaques de troupeaux se déroulent. Je peux par exemple citer des extraits d’un courrier reçu en préfecture. Dedans, il est écrit que les éleveurs doivent "revenir aux bonnes vieilles méthodes de leurs ancêtres, à surveiller les troupeaux comme le faisaient les bergers avec leurs chiens pour faire fuir les prédateurs". Je pense que les éleveurs concernés apprécieront ce conseil, surtout ceux qui passent des nuits entières aux côtés de leurs bêtes depuis janvier.

Dans ce même courrier, il est aussi écrit "qu’une personne capable de tirer sur un animal est capable de le faire sur un être humai,". Là également, je pense que nos agents de l’État apprécieront…

Combien d’éleveurs étaient concernés par ces "attaques" ?

Cinq.

Cela fait peu, en sachant qu’un seul chien finalement semblait être visé par votre arrêté…

On parle ici d’agriculture extensive, à destination de la filière roquefort. On ne peut pas minimiser les conséquences pour ces exploitations. Sans compter que la procédure d’indemnisation à destination des éleveurs ne couvre pas toujours les frais ou encore l’impact de ces attaques sur les reproductions. Et quand je dis que le bilan des attaques depuis le début de l’année est dramatique, je pèse mes mots : jamais l’Aveyron n’avait connu une telle série depuis 2017.

N’y avait-il pas d’autres options non létales, comme faire appel à une fourrière animale ou encore à des tirs anesthésiants ?

Lorsque les louvetiers interviennent, c’est de nuit, au milieu du troupeau et dans des zones reculées du Larzac ! Avoir une fourrière à proximité, capable d’intervenir sur une bête devenue sauvage, c’est matériellement compliqué. Bien évidemment que si une capture était possible, nous le ferions. On le fait d’ailleurs déjà lors d’attaques de chiens errants sur des troupeaux du bassin decazevillois. Plusieurs chiens errants ont été capturés. Mais dans le cas du Sud-Aveyron, c’est bien plus complexe. Quant aux tirs anesthésiants, c’est techniquement très compliqué.

Si c’était à refaire, vous le referiez donc ?

Oui, mais je le motiverai davantage.