"Ici, on a quelque chose de spécial" : le président de Rodez Pierre-Olivier Murat décrypte la folle saison avant le match décisif

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  • Pierre-Olivier Murat ne s’interdit rien, ni même de rêver de Ligue 1 : "Les gens qui me connaissent savent que je n’ai pas de limites."
    Pierre-Olivier Murat ne s’interdit rien, ni même de rêver de Ligue 1 : "Les gens qui me connaissent savent que je n’ai pas de limites." MAXPPP - Cédric MERAVILLES
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Ce vendredi 17 mai (20 h 45), Rodez accueille l’AC Ajaccio pour un dernier match qui peut l’envoyer en play-offs. Un résultat incroyable pour une équipe étonnante. Son président Pierre-Olivier Murat donne les clés de ces réussite et ascension folles.

À Rodez, ils l’appellent tous “POM” ou président. Survêtement et casquette du club, Pierre-Olivier Murat ressemble à un supporter ce jour-là. Entre deux cigarettes, l’œil rieur assis sur les marches surplombant le terrain de Vabre, il chambre ses joueurs à l’entraînement. “Son” Rodez Aveyron football est aux portes des play-offs de la Ligue 2 et celui qui en est le patron depuis 2005 savoure. Il mesure aussi la trajectoire folle de ce club d’une ville d’un peu plus de 20000 habitants, partie des bas-fonds du National 2. "Rare en interview", “POM” prend le temps de détailler l’ascension et les recettes avant une soirée face à Ajaccio, ce vendredi, qui pourrait être historique.

Vous arrive-t-il de vous pincer ces dernières semaines pour y croire ?

Oui et non. En début de saison, ce n’était pas notre objectif d’être dans la bataille des play-offs. Mais on avait bâti depuis plusieurs années quelque chose, on savait qu’à un moment on irait se mêler aux 7-8 premières places.

Quand tu es à cette position à deux matches de la fin (entretien réalisé avant le 1-1 à Saint-Étienne, NDLR), il faut que tu t’arraches avec les valeurs du terroir pour y être. Ceci dit, en début de saison, si on te dit que tu vas être 6e, tu signes de suite. Mais aujourd’hui, dans le meilleur scénario, on peut offrir aux supporters un barrage.

Malgré vos 8 M€ de budget, vous n’aimez pas qu’on dise que Rodez est un petit club. Acceptez-vous toutefois le terme de miracle pour qualifier les performances ?

Alors non ! Ça ne me va pas. Effectivement, on est dans les 4 ou 5 plus petits budgets de L2 mais on a construit depuis des années, petit à petit, avec ces valeurs du terroir où on travaille beaucoup. Et on bosse différemment, notamment pour le recrutement. On n’a pas peur d’aller chercher des jeunes qui n’ont pas signé pro à Montpellier, au TFC, d’aller voir en CFA, National.

Quand tu bosses et quand tu as ces résultats, ce n’est pas un miracle. Ça le serait si je pouvais me payer Téji Savanier à Rodez

On a aussi été les premiers en France à utiliser un logiciel de data (TransferRoom). À Rodez, une ville de ploucs de 20 000 habitants (sourire). On cherche toujours la nouveauté. Donc quand tu bosses et quand tu as ces résultats, ce n’est pas un miracle. Ça le serait si je pouvais me payer Téji Savanier à Rodez (rire).

Vous disiez un jour que votre situation géographique, loin des grandes villes, était un avantage pour Rodez. Pourquoi ?

Parce qu’on est au calme. Notre bassin pour les jeunes, outre l’Aveyron, est le Lot, le Cantal, la Lozère, des départements qui nous ressemblent. Puis nos pros, s’ils veulent faire des conneries, il faut faire 2 h de route (sourire). Et dans ce territoire, comme tu es loin de tout, les gens s’entraident. Un joueur qui arrive au club, vient de Paris ou de je ne sais où, il ferme sa bagnole deux fois. On lui dit de laisser ouvert, il n’y a pas de souci (rire).

Il y a quasiment un an, vous viviez une soirée de chaos à Bordeaux (match arrêté pour l’agression de Lucas Buades par un supporter girondin, le 2 juin 2023, NDLR). A-t-elle changé votre histoire ?

J’en suis convaincu. Convaincu (il répète). En fait, ça a surtout renforcé l’esprit de solidarité autour du club, nos sponsors, nos supporters, notre groupe, les salariés. On s’est tous encore plus soudé que ce que l’on était. Ça a amené une force incroyable, plutôt que de nous liquéfier. Ce qui aurait pu arriver parce que c’était dur avec les réseaux sociaux. Au final, ça a été un moment fondateur.

En mai 2016, Rodez était relégué en CFA 2 (N3). Vous arrive-t-il de mesurer le chemin parcouru ?

(Rire) J’y pense souvent. C’est incroyable. C’était “Laulau” (Peyrelade) le coach, on est relégué à Marignane, on est sauvé par la DNCG puis l’année suivante on monte. Et là, “bom, bom, bom” (il mime un escalier). Même chose que pour Bordeaux, ça a été un acte fondateur parce que personne ne s’est énervé. Le moindre président aurait viré le coach. Nous, on s’est dit qu’on allait travailler différemment, jouer autrement.

Quand je vois une maman venir faire signer le maillot avec son petit, si mes joueurs ne s’arrêtent pas, ils prennent une tarte dans la gueule !

Vous êtes très attaché à la continuité. Elle se retrouve au sein de l’équipe mais aussi de l’état-major, quasi inchangé depuis une dizaine d’années. Est-ce la clé de votre réussite ?

Ce sont les fondations de la maison. Je ne suis pas un consommateur d’entraîneurs, par exemple. Cela fait 19 ans que je suis président, j’ai eu (Franck) Rizzetto, (Rui) Pataca, (Laurent) Peyrelade et Didier (Santini). C’est la base de cette continuité.
Enfant, j’ai signé ma première licence au RAF. Je suis parti ensuite mais à un moment, je me suis dit que des gens m’ont permis de jouer au foot, de m’éduquer. Et quand Joël Pilon (prédécesseur) est malheureusement décédé, qu’il n’y avait personne, j’ai repris le flambeau en voulant conserver cet esprit.

Ici, on a quelque chose de spécial. Quand je vois une maman venir faire signer le maillot avec son petit, si mes joueurs ne s’arrêtent pas, ils prennent une tarte dans la gueule ! Cette proximité, c’est notre force.

Pourtant, en 2022, cette continuité a été brisée avec le départ de Laurent Peyrelade, votre coach depuis 2015. Avez-vous eu peur ?

Ça a été l’une des décisions les plus dures à prendre depuis que je suis au club. Cela faisait très longtemps qu’il était là, il faisait le job, nous avait amené de CFA2 à L2. Ça été dur sur le moment, pour nous deux parce qu’on était très proche. Mais avec le recul, c’était nécessaire.

Lorsque vous choisissez Didier Santini à ce moment-là, qui n’a jamais entraîné en pro, vous êtes 18e sur 20. N’avez-vous pas eu le sentiment d’un pari très osé ?

Non, jamais. Avant, j’ai pris Rizzetto qui n’avait jamais coaché en pro, Pataca et Peyrelade idem. À ce moment-là, je voulais une vraie rupture, de jeu, de personnage, de philosophie. Je pensais que la clé n’était pas un mec qui comptait 200 matches en L1 ou L2.

La Ligue 1 ? Les gens qui me connaissent savent que je n’ai pas de limites

On mesure cette rupture aujourd’hui : on marque à tout-va, on encaisse aussi à tout-va mais la philosophie est assumée. Didier s’en fout, n’a peur de personne, qu’il joue Saint-Étienne ou autre, il ne change pas. Il incarnait ce changement. Et ça a matché tout de suite.

Puisque Rodez repousse sans cesse ses limites, serait-il prêt à la Ligue 1 ?

Les gens qui me connaissent savent que je n’ai pas de limites. Parfois c’est positif, parfois non. La L1 est hypothétique, on n’est pas sûr d’être barragiste mais il faut avoir de l’ambition. Ce n’est pas nécessairement être prétentieux. Mais en bossant comme on bosse, on peut jouer à n’importe quel niveau, plus haut, plus bas (rire).

La réfection du stade, entamée il y a plusieurs années, touche au but. Supporterait-il une accession ?

Oui, de toute façon, il n’y a plus de normes de capacité mais d’éclairage, de vestiaires, de terrain, etc. Pour le premier match de la prochaine saison, trois des quatre tribunes seront terminées. Et il sera totalement fermé en fin d’année civile pour une capacité aux alentours des 6 800 personnes. C’est suffisant. Je préfère un stade plein, à l’anglaise, avec du réceptif, qui va nous permettre de passer un cap déjà dans l’affluence puis aussi dans le nombre de partenaires.

Mine de rien, la première année de Ligue 2, on joue pendant 6 mois au Stadium. L’année d’après, c’est le Covid, puis une seule tribune de 1 000 personnes jusqu’en décembre 2022. L’équation économique est très compliquée en L2 dans de telles conditions. Il faut arriver à rester en L2 avec le stade terminé, cela nous permettra de franchir un cap. En règle générale, il n’y a pas de projet de foot professionnel sans stade. C’est impossible. On en parle souvent avec Laurent Nicollin (président du Montpellier HSC, NDLR) d’ailleurs.

Le défi des prochains mois sera de maintenir la dynamique née cette saison. Comment y parvenir ?

Cela fait cinq saisons qu’on est en Ligue 2. Ce n’est plus un hasard. On est une équipe de L2, il faut l’assumer. Parfois, on ne nous reconnaît pas comme tel. La suite sera compliquée parce qu’avec la saison qu’on fait, il y aura des convoitises. Mais on bosse depuis longtemps déjà sur le futur.

Je l’ai dans le cœur ce club. Je suis là, quoi. Tant que je pourrai, que j’apporterai un plus et que ma santé le permettra

Raux Yao va partir (Rapid de Vienne), Rajot, le capitaine Danger, Younoussa ou Depres sont en fin de contrat en juin. Est-ce d’ores et déjà le challenge de l’été de renouveler cette équipe sans la dénaturer ?

Il faudra renouveler mais aussi amener du plus. C’est ce qu’on fait depuis des années, chaque fois apporter quelque chose de plus. Il va falloir trouver cet équilibre entre conserver certains mais aussi amener une plus-value. Si tu veux évoluer, c’est indispensable.

Vous n’avez que 47 ans mais vous êtes l’un sinon le plus ancien des présidents de L1 et L2 en activité, à la tête de Rodez depuis 2005. Vous arrive-t-il de songer à l’après ?

Je l’ai dans le cœur ce club. Je suis là, quoi. Tant que je pourrai, que j’apporterai un plus et que ma santé le permettra… Pour l’instant, je ne me pose pas la question.

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